Résidence avec Yolande Bashing
Confinews #2
CONFINEWS #2
Une poésie du réel et de l'absurde, des chansons électro dansantes et mélancoliques, un esprit punk toujours présent. Yolande Bashing a posé ses valises au Grand Mix pour notre plus grand plaisir.
Cette fois-ci, pas de JT de Jean-Pierre Pernaud pour Yolande à midi, mais une interview autour des frites de la mythique Frit' Saint-Anne de Tourcoing.
Quel est le contexte de cette résidence de deux jours au Grand Mix ?
On prépare un concert pour le festival Ici Demain (1ère édition) au FGO-Barbara (Paris) le dimanche 22 novembre. Le festival devait se tenir avec du public, mais il est maintenu en streaming. Sourdoreille va réaliser la captation du set. Le concert sera aussi diffusé en direct par Brain Magazine.
Malgré ces conditions spéciales, c’est un concert important dans notre phase de développement, notre première captation de ce type. La résidence au Grand Mix est là pour nous préparer à la vidéo et toutes ses contraintes. Il faut être au poil sur la voix et sur les machines. On fait de l’électro-chanson un peu punk dans l’esprit, avec un son qui bave souvent. Il faut donc trouver un équilibre pour s'adapter à ce format vidéo.
Et ça va se ressentir sur votre présence scénique ? Sera-t-elle différente avec des caméras à la place du public ?
Le public sera là à travers une caméra, et l’idée est de jouer avec elle. En effet, tu n’es pas dans le même type de communication, et c’est tout l’enjeu de travailler ça en répétition. On a beaucoup bossé le son avec Manu Catty, qui est notre ingé son depuis 3 ans. On travaille aussi les transitions entre les chansons, pour construire une setlist de 40mn. On avait trop de chansons au départ, donc on en a enlevés, ce qui est toujours difficile !
Sur scène, on joue autour d’un îlot central de synthés. Il n’y a que des instruments essentiels, des synthés qui dessinent l’espace. Ils sont séquencés par un ordinateur, il n’y a pas de bandes préenregistrées. J’aime que la musique soit organique pour ne pas produire exactement le même son à chaque concert. C’est un risque à prendre, mais l’erreur est un cadeau quand on est sur scène, elle te replace au moment présent et tu en rigoles. Un jour à la Gare Saint-Sauveur, un clavier est tombé au sol mais il jouait encore, et je me suis dit “Vive le live” !
Ce temps de travail rentre dans la continuité d’une autre résidence, qu’on avait faite à la Cave aux Poètes. On a travaillé avec Thomas Blanquart (Walk this Way), sur du coaching scénique et la dramaturgie du concert.
Car quand on te voit sur scène, on est marqué par ta gestuelle assez libre, ta présence un peu loufoque …
C’est quelque chose d’assez instinctif, pas du tout chorégraphié. Ou plutôt ça ne l’était pas. Car parfois, on donne de mauvais signes avec son corps, par rapport à une chanson et son message. J’avais un peu ce problème là , d’être tout le temps à donf’. Depuis cette résidence, on se focalise sur ce qu’on veut raconter dans chaque chanson sur scène. Parfois, il faut resserrer le corps, et plus se concentrer sur la voix, enlever les parasites pour rendre le concert le plus lisible possible.
D’autant plus que Yolande Bashing joue en duo depuis cet été ?
J’aime bien dire qu’on est trois, car le travail du régisseur est très important sur Yolande Bashing. Manu gère beaucoup d’effets importants sur la voix, et c’est le troisième membre du groupe. Et donc Aurélien (Okay Monday, Paprika Kinski) a aussi rejoint Yolande, avant tout à la basse mais aussi aux machines.
Au départ, on bossait en studio sur mon 1er album, puis on a décidé de continuer sur scène. Ma volonté était de plus m’émanciper des machines, car je devais gérer beaucoup d'aspects techniques en même temps. Le duo me permet d’être plus un “front-singer”, de relâcher la pression. C’est que du plaisir. Et cette formule scénique qu’on travaille aujourd’hui au Grand Mix est surtout le fruit de la rencontre entre Aurélien et moi.
Et le nouvel EP a aussi été préparé en duo ?
L’EP a été enregistré chez moi, car je suis équipé. Et il est actuellement mixé par Marco d’Haussy, qui a déjà mixé Dehli. Un nouveau clip sortira le 27 novembre, “Le Chat” (réal Pablo Albandea).
Puis on sortira les deux autres titres en janvier prochain, pour former un EP de 4 titres sur Bruit Blanc. Voici l’actu ! Et je travaille déjà aussi sur un deuxième album, qu’on imagine sortir pour septembre 2021. Sur cet album, il n’y aura que de nouvelles choses. Chaque album, petit ou grand, est un objet à part entière.
On espère t’accueillir en première partie d’Ichon le 29 janvier 2021. Que penses-tu de l’association sur une soirée de sa musique et de la tienne ?
C’est super contrasté, et en même temps pas tant que ça. Ichon chante en français, et il est attaché à une certaine poésie. C’est un songwriter, et son dernier album est vraiment riche, avec moins de punchlines qu’avant.
Il y a des ponts qui se font avec la musique de Yolande, sur le travail des synthés un peu 80’s. On aborde des thématiques assez communes, mais différemment : sur l’amour, la solitude, son rapport personnel aux autres … Je pourrais faire du rap moi aussi. Ou plutôt, j’aimerais pouvoir en faire car je n’ai pas la technique. Et Ichon aime explorer la chanson, pour aller au-delà du hip-hop. Et moi, j’explore aussi plus la chanson maintenant, car avant mon chant était plutôt scandé ou slammé. Donc c’est finalement un bel accord, surprenant mais j’en suis super content !
Yolande Bashing est aussi influencé par tes expériences dans le théâtre ?
Oui, je suis d’abord comédien, même si je fais de plus en plus de musique. Je fais beaucoup de théâtre dans le Nord, et aussi avec le Collectif Cohue à Caen.
Il m’arrive parfois de travailler sur le design sonore des pièces dans lesquelles je joue. Ce sera le cas pour une prochain spectacle plutôt jeune public : “Au dessus de vos têtes” (Cie L’Impatiente), qui jouera au Zeppelin et au Grand Bleu en mars 2021.
Je pense qu’il y a des liens entre Yolande Bashing et mon travail au théâtre. Même si les gens sont peut-être moins bourrés au théâtre, quand ils te regardent. J’explore dans Yolande les mêmes outils qu’au théâtre : l’adresse au public, l’erreur, l’engagement … Tout cela reste du live, avec beaucoup d’engagement, et tu ne peux pas tricher. Dans le théâtre ou la musique, le rapport au réel est important, tu dois faire avec ce que tu es au moment où tu joues.
On te retrouvera aussi dans la Fabrique Electro, pour composer une chanson dans deux collèges, tourquennois et roubaisiens. Comment abordes-tu ce projet ?
J’ai l’habitude de travailler avec des jeunes en théâtre, mais ce sera la première fois en musique. C’est donc un exercice nouveau, où on est vraiment sur de l’échange. Car avant de composer la chanson ensemble, il faut que l'on se rencontre, que les jeunes découvrent des synthés, des machines, mon univers … Je ne peux rien préparer à l’avance !
Et enfin, as-tu vécu des concerts marquants au Grand Mix ces dernières années ?
En 2014, Timber Timbre et surtout le groupe Last Ex (avec les mêmes musiciens) en ouverture. Donc en tout 3h de set méga classe !
Plus récemment, j’ai vu YN, et eux aussi sont impressionnants sur scène.
Et dans un autre registre, le VilleJuif Underground à la réouverture. Leur rapport à l’erreur est génial, ils sont bien punks. Tu as l’impression que pour eux, la musique est juste un prétexte pour boire des coups entre potes !
Confinement, volume 2 : Le Grand Mix est bien fermé publiquement, mais contrairement au printemps dernier, nous pouvons accueillir des artistes en résidence. L’occasion d’en savoir plus sur ce travail bien souvent invisible : répétitions, perfectionnement scénique, phases de création …
Yolande Bashing